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Chapitre 10

Les villages, l’industrialisation et le magasin général – Sainte-Blandine, 19e et 20e siècles

Le chapitre 10 présente la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle. Nous nous retrouvons dans le magasin général de Sainte-Blandine, un petit village au sud de Rimouski.

L’augmentation de la population et la fondation de villages créent de nouveaux secteurs d’activités économiques qui exigent une formation plus spécialisée et nécessitent de se rendre dans les écoles de Québec ou de Montréal, comme celles d’arpentage ou de pilote de vaisseaux pour naviguer sur le Saint-Laurent.

L’exploitation forestière

La région du Bas-Saint-Laurent recèle de pinèdes offrant des arbres de hautes tailles dont on tire des pièces de bois équarries qui font la joie des entrepreneurs et des grands marchands.

Les principaux villages qui produisent les pièces de bois, les madriers, et les planches de pin, d’épinette ou de sapin sont ceux de Rivière-du-Loup, Rimouski et Métis. L’industrialisation de la production du bois, qui demande une mécanisation croissante des scieries et l’acquisition de droits de coupe sur de vastes superficies de terres publiques, exige des capitaux importants. Rapidement, la production se concentre donc entre les mains de quelques grands entrepreneurs, qui ont accès à du financement venant de l’extérieur du Québec. William Price est parmi ces grands entrepreneurs capitalistes qui contribuent à l’industrialisation de l’exploitation forestière. Né en Angleterre en 1789, il arrive au Canada en 1810 comme acheteur de bois pour une compagnie de Londres. Six ans plus tard, il décide de se lancer dans l’exploitation forestière, puis grâce à son accès aux capitaux britanniques, il acquiert graduellement plusieurs moulins à scie au Bas-Saint-Laurent et ailleurs au Québec et en Ontario. Dans les années 1850, on le surnomme le « roi du bois », car il possède à lui seul les droits de coupe de toute la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean et d’environ le quart des territoires de coupe du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie. Un village situé juste en haut de Métis porte d’ailleurs son nom.

L’exploitation forestière se poursuit pendant tous les 19e et 20e siècles. Même encore aujourd’hui, l’exploitation forestière demeure une industrie importante dans la région.

À partir des années 1890, la demande en bois pour la production du papier nécessaire aux journaux à grand tirage donne un nouveau souffle au développement de l’industrie forestière.

Le développement routier et l’arrivée du chemin de fer

À la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, le chemin Royal qui se rendait jusqu’à Trois-Pistoles est prolongé vers Métis et se rend jusqu’à Matane aux environs de 1850. Avec le développement du réseau routier et l’arrivée du chemin de fer, les grandes entreprises forestières commencent la coupe des forêts de la vallée de la Matapédia et du Témiscouata. Les moulins expédient leur production en train, vers les grands centres de Québec et Montréal, mais aussi vers les États-Unis. La construction des chemins de fer qui mène vers l’ouest et le sud favorise le développement de certaines localités au détriment d’autres. Ainsi, les villages de Kamouraska et de Rivière-Ouelle, qui ont misé sur le transport maritime, perdent de leur importance.

La navigation

La construction navale est également en pleine expansion au Bas-Saint-Laurent et dans la baie des Chaleurs, entre autres pour assurer le transport du bois vers les marchés extérieurs. De nombreux petits voiliers (de 30 à 60 tonneaux) sont construits pour assurer le transport de marchandises ou de personnes sur de courtes distances. Les types de bateaux construits au 19e siècle sont le charroi, le navire marchand et la goélette à fond plat, aussi appelée « sloop », qui permet de s’approcher des côtes.

Un grand nombre de quais sont également construits pour favoriser l’embarquement de marchandises et l’expédition du bois. Le transport vers Québec et la navigation difficile sur le fleuve exigent la construction de phares le long du fleuve Saint-Laurent.

Les phares

La navigation sur le Saint-Laurent est très difficile. Les naufrages ont été très nombreux sur le Saint-Laurent jusque dans la deuxième moitié du 20e siècle. Les colonies étaient ainsi protégées des attaques britanniques par bateau.

Dès le 18e siècle, des feux de grève permettent aux pilotes de repérer les rives et les écueils afin de se diriger de manière plus sécuritaire sur le fleuve.

En 1809, le phare de l’île Verte, l’un des plus vieux phares construits au Canada, est mis en service. Plusieurs phares sont érigés sur les rives du Saint-Laurent ainsi que sur l’immense littoral du Canada.

Un phare, situé sur une pointe dégagée et souvent isolée, demande la présence permanente d’un gardien pour s’assurer qu’il émet constamment de la lumière. Le métier de gardien de phare, qui doit y demeurer d’avril à décembre, est rude et n’a rien d’idyllique. Ainsi, le gouvernement encourage dès le 19e siècle la vie en famille au phare pour garantir une certaine stabilité. Une maison, un hangar et d’autres dépendances sont construits, un petit lopin de terre est cultivé, et la pêche et la coupe du bois de chauffage procurent un certain confort. Le savoir familial se transmet de père en fils.

Dans les années 1940, le métier s’est professionnalisé lorsque plusieurs gardiens ont obtenu une formation de technicien radio, en raison de l’importance des télécommunications. Avec l’automatisation récente des phares, le métier de gardien de phare a disparu.

La villégiature

Le développement et l’accélération des modes de transport favorisent la fréquentation de la région du « Bas-du-Fleuve » par des familles aisées de Montréal et de Québec qui viennent y séjourner pour profiter des bienfaits de la campagne et de l’air salin du fleuve. Les villages comme Kamouraska, Cacouna, Métis et Le Bic voient les visiteurs des grandes villes affluer chaque été. Certains se font construire de luxueuses villas, d’autres louent des maisons d’habitants, mais le nombre de visiteurs est suffisamment élevé pour justifier la construction de grands hôtels. Dans la vallée de la Matapédia et à Métis, l’élite anglophone affectionne particulièrement la pêche au saumon. À ce sujet, bon nombre d’entre eux engagent des Mi'gmaqs comme guides pour les conduire sur les multiples rivières à saumon de la région, dont la Matapédia.

L’exode rural

Malgré un essor et une diversification importante des activités économiques à la fin du 19e siècle, la région du Bas-Saint-Laurent connaît une période d’exode de sa population. La rareté des bonnes terres et le manque d’avancement technologique en agriculture incitent les familles à quitter les paroisses de la région pour la ville ou encore à se diriger vers les États de la Nouvelle-Angleterre qui connaissent une forte poussée d’industrialisation et où la main-d’œuvre se fait rare.

La vie au village de Sainte-Blandine

Au début du 20e siècle, à Sainte-Blandine, les colons vivent essentiellement en autarcie. Ils cultivent leurs jardins pour s’approvisionner en légumes. Ils conservent au frais dans leurs caveaux les patates, les carottes et les choux pour l’hiver. Ils cultivent du blé et de l’avoine ainsi que du foin pour nourrir leurs animaux. Ils font moudre leur blé au moulin à farine de Rimouski. Le lait, produit par leurs vaches, est livré à la beurrerie de Damase Lebel, située au coin du rang de Mont-Lebel. Ils en retirent un peu d’argent, de même que de la vente de leur surplus de grains à Rimouski.

À l’automne, les habitants font boucherie d’un cochon et d’autres animaux, qu’ils conservent au frais pour leur alimentation pendant l’hiver. Ils vendent une partie de la viande pour en tirer un revenu. L’hiver, les garçons les plus âgés de la maison vont travailler sur les chantiers de coupe de bois de la compagnie Price Brothers, situés le long de la rivière Rimouski.

Le père, pour sa part, coupe du bois sur sa terre pour chauffer la maison. Il vend de ce bois à Rimouski. Il vend aussi les billots de pin et d’épinette aux propriétaires de moulins à scie de Rimouski. Pour la livraison de ce bois, il utilise sa sleigh et sa team (tandem) qu’il attelle à ses chevaux.

Les habitants font ferrer leurs chevaux et font réparer leurs outils chez le forgeron du village. Ils obtiennent du ferblantier les contenants de fer blanc dont ils ont besoin.

Ils fréquentent le ou les magasins généraux de Rimouski, mais surtout ceux de Sainte-Blandine (il y en a trois) où ils s’approvisionnent en marchandises sèches (sucre, mélasse, épices, vaisselle, tissus, eau de vie, etc.).

Le magasin général constitue, à part l’église, le centre privilégié pour les rencontres sociales. On y flâne en discutant du cours de la vie, de politique, des naissances, des décès, de maladies, etc.

Références

TACHÉ, Joseph-Charles. Trois légendes de mon pays ou l’évangile ignoré, l’évangile prêché, l’évangile accepté, Imprimerie A. Côté et Cie, 1876.

RURALYS. La conservation intégrée du patrimoine archéologique euroquébécois dans le développement régional : Le territoire du Bas-Saint-Laurent, Québec, ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, décembre 2007.

LECLERC, Paul-André et SAINT-PIERRE, Jacques. La vie rurale, 1866-1953. Les Publications du Québec, Archives nationales du Québec, 2001.

LAMBERT, Serge et DUPONT Jean-Claude. Les voies du passé, 1870-1965 : Les transports au Québec, Les Publications du Québec, Archives nationales du Québec, 1997.

DIONNE, Lynda et PELLETIER, Georges. Des forêts et des hommes, 1880-1982 : Photographies du Québec, Les Publications du Québec, Archives nationales du Québec, 1997.

Illustration : Chapitre 10